Pas de chance, vous ne trouvez pas le boîtier dans la boîte à gants ou dans le vide-poches.

Le 4x4 dans lequel vous vous trouvez entre en collision frontale avec la barrière. On entend un bruit assourdissant, alors que le capot de la voiture soulève de force la barrière. Celle-ci laissera d'ailleurs le pare-brise effeuillé.

Vous débouchez donc à toute allure sur une avenue du Caire, à contre sens, et Arhtur parvient par un virage in extremis à vous remettre sur la bonne voie.

*Bang !*

C'était juste, mais c'était passé. Arthur était confiant après tout. S'il avait décidé de fracturer le 4x4, et non ce petit pot de yaourt sur lequel Salomon avait jeté son dévolu en premier lieu, c'est qu'il avait décidé de parer à toutes situations.

Ni une, ni deux, le jeune blondinet, pilote hors pair, rattrapa la maîtrise du véhicule qui filait en contre sens, et déboita sur l'autre côté de la grande avenue cairote qu'ils traversaient. Il faut dire qu'Arthur avait de l'expérience, il tournait régulièrement, en amateur, sur des circuits goudronnés pour des bolides surpuissants.

- Nous voilà tirés d'affaire. Semble t'il. Il va falloir qu'on change de voiture, puis d'identité.

On entendait le moteur vrombir en fond, et Arthur jetait des regards inquiets sur le rétroviseur.

Salomon suivit des yeux le geste du conducteur vers sa besace. Pris d'un mauvais pressentiment, il tendit le bras pour fouiller à l'intérieur et en ressortit son... "déguisement". Une grimace fataliste lui échappa.

- Bien deviné, elle ne me plaît pas vraiment.

A nouveau, il jeta un coup d’œil par dessus son épaule. Personne n'était à leur poursuite pour le moment mais cela ne saurait tarder et il poussa un soupir à fendre l'âme.

- Malheureusement, je ne pense pas avoir le choix.

En plus, il avait déjà perdus ses collègues et amis, son travail, sa réputation, son casier judiciaire vierge et une partie de son intégrité physique : que représentait ce qui lui restait de fierté après tout ça ? L'avocat/médecin/espion gara leur véhicule et Sally s'en extirpa. Un nouveau soupir lui échappa mais il enfila malgré tout le niqab.

- Oh c'est sympa cette ouverture pour les yeux. Remarqua-t-il, pince-sans-rire. On ne le réalise pas vraiment avant d'être obligé d'en porter un.

Le jeune homme observa les alentours, jetant un coup d’œil à la rue très passante qu'ils venaient de quitter.

- On peut prendre un taxi mais un occidental qui se balade avec une femme du pays, ça semblera sans doute louche. Sinon, il faut trouver un bus.

Salomon avait accepté la stratégie d'exfiltration proposée par Arthur. A vrai dire il n'avait pas trop le choix. L'oreille toujours alerte, Arthur démontrait depuis près d'une heure qu'il savait maitriser à la perfection les situations de crise. Il s'en félicitait intérieurement, l'espace d'une seconde.

Les deux compères, ou plutôt le jeune homme blond et la jeune femme affublée d'un voile intégral quittèrent le véhicule. Un sourire se dessina sur le visage du jeune suisse alors qu'il contemplait son acolyte, mais il le réprima bien vite pour éviter de rendre la situation plus difficile qu'elle ne l'était déjà.


- On peut prendre un taxi mais un occidental qui se balade avec une femme du pays, ça semblera sans doute louche. Sinon, il faut trouver un bus.

Après une mine de dégout difficilement dissimulée - Arthur détestait les transports en commun - le jeune homme répliqua :

- Nous prendront le bus qui va vers l'aéroport. Mais avant, nous devons faire disparaître la voiture. Eloignez-vous.


Il avait imaginé une façon originale d'utiliser son Don. Il eut été plus simple de requérir aux services du Lector, mais Arthur savait bien qu'il lui en avait déjà beaucoup demandé, et cela quand bien même ce dernier était convalescent.

- Vérifiez qu'il n'y a aucune caméra dans la rue.

Arthur, de son côté, s'assura qu'aucun passant ne s'était égaré dans la ruelle, puis il se positionna en face de la grosse cylindrée, et se concentra. Sa démarche était double, il fallait, d'abord, qu'il créé une bulle temporelle autour du véhicule, puis qu'il accélère le temps, à l'intérieur de cette même bulle, de façon à ce que le 4x4 s'altère puis se décompose de lui-même. Opération délicate, mais Arthur s'en sentait capable, même s'il n'était vraiment pas certain du résultat final.

C'est un succès. Cette utilisation inédite de votre Don fonctionne. Une sorte de voile semble entourer le véhicule, le temps s'y contracte et cela s'y manifeste par des effets visuels surprenants : c'est comme-ci on y segmentait l'air.

La voiture rouille petit à petit, puis se transforme en une sorte de boue, avant de disparaître entièrement. La terre sous les pneus du véhicule à noirci et s'est transformée en une sorte de masse rocailleuse.

Vous êtes tous les deux impressionnés par une telle utilisation et une telle puissance. Le Don d'Arthur qui semble à première vue être moins proactif que les autres dévoile ici toute sa complexité et son infinité.

Arthur resta un moment stupéfié par ce qu'il venait de faire. Le regard fixé sur ce qui n'était maintenant que quelques traces rocailleuses, il venait de se rendre compte de toute la complexité de son Don, et de toutes les possibilités qu'il lui permettait.

Il sentit toutefois une sensation étrange au bout de ses doigts. De petits picotements, et ses doigts étaient endoloris. Assez de chronokinésie pour aujourd'hui, le jeune héritier de ce Don à la fois silencieux et spectaculaire se sentait usé pour la journée.

- Bon... Rappelez moi de ne jamais vous contrarier.

Arthur se tourna vers son acolyte, dont il devinait le regard ébahi derrière les grilles de sa prison vestimentaire. Il répondit à sa plaisanterie sur un ton monocorde, pour ne pas laisser transparaître son propre étonnement.

- On va éviter, en effet. Vous pourriez prendre 20 ans de vieillissement pour une remarque déplacée.
Avançons maintenant.

Le blondinet et sa compagne de noir vêtue s'avancèrent sur l'avenue plus large. Immédiatement après, Arthur se ravisa, et se plaqua contre un mur sombre, entrainant Salomon avec lui. Toutes sirènes hurlantes, des véhicules de police fonçaient sur la rue qui leur était parallèle. La couverture devrait fonctionner, certes, mais mieux ne valait pas tenter le diable, ou Seth.

Quelques secondes passèrent et le bruit des sirènes s'estompa.

- Où était cet arrêt de bus, vous disiez ?

Salomon finit par émerger du véhicule au milieu de la cohue, hagard. Arthur n'avait pas été le seul à se sentir mal et, tout relatif que ce soit, l'air frais de l'extérieur l'aida à retrouver ses esprits. Bringuebalé par la foule, il ne repéra pas le blond tout de suite. Puis un éclat doré accrocha son regard. En temps ordinaire, il aurait joué des coudes pour le rejoindre mais aujourd'hui, cela lui semblait difficile et il se laissa porter par le courant en espérant rattraper le jeune homme.

- Ok, désolé pour le retard, me voilà... Murmura-t-il, las. Par où maint... Vous vous sentez bien ?

Salomon scrutait le blond. Il avait beau être coincé derrière sa petite grille, fatigué et blessé, le naturel revenait au galop. Cette pâleur n'était pas de bon augure. Assistant un jour, assistant toujours : il avait l’œil lorsqu'il s'agissait de surveiller autrui. Pour son bien, évidemment.

- Ça ira ?

Vous parviendrez à atteindre le jet et à décoller sans problèmes.

Arthur a des contacts, et il entretient son réseau avec patience et célérité : des qualités payantes.